Désamorcer les jeux de pouvoir toxiques en entreprise grâce à la QVCT

Les périodes de transitions et de changements au sein d'une entreprise peuvent être des moments délicats qui peuvent dégrader le climat social et perturber le travail. Les luttes de pouvoir se font au détriment de l'intérêt collectif et peuvent se propager rapidement, entraînant une désorganisation avec des conséquences négatives pour l'ensemble de l'organisation. Cependant, une approche proactive axée sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) peut prévenir ces mésaventures et favoriser un environnement sain et productif. Cet article explore l'importance d'une démarche structurée de QVCT et propose des idées pour mettre en place une telle démarche lors des phases de transition et de changement.

Thomas Jacquot

5/23/20245 min read

Cette année, la semaine de la qualité de vie et des conditions de travail est dédiée à la transition des milieux de travail. Le principe étant que les entreprises doivent se transformer de plus en plus rapidement avec de plus en plus d'exigences, mettant en danger la santé mentale des dirigeants, des manageurs et employés de la même façon. Nous ne pouvons pas rester inactifs face au risque que cela représente. Nous devons donc anticiper et prévenir pour éviter des dégâts, dans une économie ne pardonnant plus l'erreur.

Abordons un danger souvent ignoré tel que les luttes de pouvoir et autres jeux d'acteur. Ce risque peut apparaître à tous les niveaux de l'entreprise, même une personne exerçant un métier sans responsabilité peut avoir un pouvoir. Prenons l'exemple le plus simple : un agent de maintenance aura un grand pouvoir sur les équipes dont le travail dépend du bon fonctionnement des machines, par la priorité qu'il donnera à son action et l'engagement qu'il mettra à son œuvre. La suprématie ici se trouve dans la dépendance du travail des uns au bon vouloir des autres. Je suis sûr qu'à la lecture de ces quelques lignes, bien d'autres exemples de votre propre expérience vous viennent à l'esprit.

Voici quelques facteurs pouvant donner du pouvoir à une personne :

  • L'autorité formelle conférée par la structure hiérarchique de l'entreprise aux personnes occupant des postes de direction, de gestion ou de supervision détiennent un certain niveau de pouvoir selon leur position et de leur responsabilité.

  • L'expertise et les connaissances spécialisées dans un domaine précis peuvent garantir un grand pouvoir en rendant l'expert irremplaçable. Comment punir un mauvais comportement si le bon fonctionnement de l'entreprise dépend de cette personne ?

  • Les relations interpersonnelles étendues avec un vaste réseau de contacts peuvent développer un pouvoir accru. Ces personnes peuvent s'appuyer sur ces relations pour obtenir des informations, des ressources, du soutien et des opportunités. Ils peuvent également influencer les autres grâce à leur capacité à établir et à entretenir des liens professionnels significatifs.

  • Le contrôle des ressources clés, telles que le budget, les technologies, les infrastructures, les données ou les talents, peut conférer du pouvoir à un individu. Cela lui donne une influence sur les activités, les décisions et les résultats de l'entreprise.

  • L'aptitude à influencer les autres et à persuader peut offrir du pouvoir à un individu. Les personnes habiles à communiquer efficacement, à négocier, à résoudre des conflits et à rallier les autres à leurs idées peuvent exercer une influence manifeste, même sans avoir une autorité formelle élevée.

  • L'accès à l'information stratégique ou privilégiée peut conférer du pouvoir. L'accès à des données sensibles, à des informations clés sur le marché, à des analyses approfondies ou à des secrets commerciaux peuvent utiliser cette information pour influencer les autres et pour renforcer leur position.

Il existe encore d'autres sources de pouvoir qui peuvent être utilisées pour la bonne marche de l'entreprise ou pour son bien particulier, voire être dévoyés à une vendetta personnelle. Chaque individu étant différent et s'accrochant plus ou moins à son pouvoir, une réaction différente au changement apparaîtra, multipliant ainsi le nombre de facteurs déterminant le comportement effectif de l'individu au travail. Or, lors d'une phase de transition, les cartes du pouvoir sont à redistribuer au sein de l'organisation et des rapports sociaux. Pensez-vous qu'il soit possible de mesurer l'ampleur de ce risque au vu du nombre de facteurs en jeu, dont la plupart sont informels et cachés ? Moi non ! Je n'ai pas envie de me risquer à l'épuisement alors qu'il y a des manières plus simples, plus efficaces et qui ont fait leurs preuves. Je parle bien sûr d'une démarche structurée de QVCT.

Quand on veut faire une telle démarche, on commence et donne du temps à la première étape qui consiste à définir un (ou plusieurs) plan pour ce que nous voulons faire, ce que l'on refuse de faire et avec qui nous allons le faire (ou pas). Cette planification se construit collectivement avec la direction, les représentants du personnel, les experts métiers. Ce sont les règles du jeu que chacun s'engage à respecter devant les ensembles des membres de l'organisation. Ce qui n'empêchera pas les luttes de pouvoir. Cependant, plusieurs facteurs psychologiques vont freiner les mauvaises intentions. Nous n'en verrons que quelques-uns ici dont « l'effet de gel » généré par la participation à la définition de la méthode et l'engagement pris de manière formelle devant témoins, en nous assurant que chacun et pu signifier son accord en toute connaissance de cause et en total liberté. Cet effet prédispose l'individu à émettre des comportements futurs dans le sens de la décision initiale, en plus de formaliser les limites à ne pas dépasser pour le bon déroulement des actions à venir. Un second facteur est appelé « l'effet voix » en psychologie de la justice. Celui-ci facilitera l'abandon d'un privilège ou d'une source de pouvoir (qui peut être vécu comme une punition) par une personne qui aura eu l'occasion de s'exprimer publiquement sur ce sujet. Ainsi, cette étape a pour principal objectif de concevoir un contexte de transformation apaisé et sain par l'élaboration collective. En faisant participer un groupe de personnes représentatif aux yeux des membres de l'entreprise, vous économiserez un nombre de déconvenues incalculables. Que ce soit les impensés qui doivent être corrigés au dernier moment, ou les pertes d'engagement des personnes ne sentant pas impliquées dans le processus, pour ne citer que ces deux conséquences parmi bien d'autres. J'espère donc que vous l'aurez compris, cette phase doit être considérée comme la plus importante pour assurer la réussite de votre projet et déjouer les jeux d'acteur toxique. Pendant les rencontres de préparation du projet, vous pourrez créer et innover grâce à l'intelligence collective d'une manière beaucoup plus pertinente et efficiente. Cela aidera tous les acteurs à s'engager vers un objectif commun et fera passer les objectifs individuels au second plan. La définition commune de la vision d'avenir de l'entreprise et du travail est probablement la meilleure clé de développement.

Ensuite, il ne vous restera plus qu'à dérouler le plan convenu qui devra respecter les indispensables étapes :

  • État des lieux actuel. Vous ferez le point sur ce qui ne fonctionne pas et qui pourra être amélioré dans la nouvelle organisation, ainsi que ce qui fonctionne et qu'il faudra préserver du risque de dégradation. Le rendu vous permettra d'imaginer les situations de travail à tester lors de la phase suivante.

  • Expérimentation. C'est là que vous déciderez de comment tester ou simuler la nouvelle organisation du travail pour découvrir ce qui ne fonctionne pas comme prévu et à modifier avant une mise en place à grande échelle.

  • Pérennisation. Fort des apprentissages de l'expérimentation, vous pourrez légitimement déployer une organisation fonctionnelle et passer à la suite. Parce que le changement est permanent aujourd'hui.

Une démarche QVCT est donc structuré avec des enjeux collectifs qui apportent de la sécurité à l'ensemble des personnes au travail (dirigeant, manageurs, employés). Un cadrage bien réalisé collectivement permet de désamorcer les comportements toxiques comme les luttes de pouvoir. Si c'est la première fois que vous vous lancez dans un tel projet, faites-vous conseiller et accompagner. L'investissement en vaut largement la chandelle.